Maison des Faust, Windenburg



- Ah … salut m’man. Ne traîne pas trop par ici, parce que p’pa ne s’est pas couché. Tu as de la chance qu’il soit fatigué, sinon il t’aurait déjà senti. Houla, ça n'a pas l'air d'aller dis-moi.



- Ne m’appelle plus « maman » Alie. Dois-je te rappeler que dans cette incarnation, tu as une autre mère ?
- Je m’en rappelle, merci bien. Quand elle viendra me voir et s’excusera de m’avoir traité comme un monstre, je lui donnerai peut-être le titre de « maman ». D’ici là, je te considère toujours comme telle. Et ne fais pas genre. Tu n’arrêtes pas de veiller sur moi toi aussi.
- Rha … Charlie et toi, vous êtes bien pareils tous les deux !
- Pas pour rien qu’on est frères.
- Que vous « étiez » frères.
- Pff, c’est pareil. Les liens du sang ne font pas tout.



- Quand vas-tu te décider à vivre en humain et à dormir !
- J’aime bien veiller la nuit, je n’y peux rien.
- Oui, et après, tu t’endors le jour et tu rates les cours jeune homme !
- Il me semblait que tu n’étais « plus » ma mère …
- Tu es peut-être un veilleur, mais tu es encore mortel et tu as 15 ans. Tu ne fais pas ce que tu veux. Attends-toi à ce que ton père te remonte les bretelles demain matin quand il va être mis au courant par ses collègues.
- Pff … ça ne suffit pas avec toi qui m’engueule déjà ? J’ai de toute façon de bons résultats scolaires. Il ne va pas criser pour si peu.
- Tu sais bien comment est ton père. Il y a des choses qu’il ne laisse pas passer. Tu n’y couperas pas.



- En parlant de p’pa … Quand est-ce que tu vas te décider à aller le voir ?
- Il ne vaut mieux pas. Déjà que Charlie m’a senti …
- Moi, je pense que tu devrais lui parler justement. Il n’arrive pas à faire son deuil.



- Tu te fiches de moi Alie ?
- Non pourquoi ?
- « Il n’arrive pas à faire son deuil ». La bonne blague. Il n’arrête pas de collectionner les femmes.



- Oh je vois. Mademoiselle Élise Shepard est jalouse.
- Mais non !
- Oh mais si, ça se voit.
- Tu te rends compte qu’il a osé passer une nuit avec Agnès Ladentelle !
- Je sais.
- Comment ça « tu sais » ?
- Vu que p’pa ne me dit rien, je suis bien obligé de prendre mes infos.
- Chéri, tu ne fais pas le voyeur rassure-moi ?
- Non, je surveille les potentielles au rôle de belle-maman. Tu me prends pour qui ?
- Vu ton regard coquin, je me permets de douter …
- Rassure-toi. Ce n’est jamais du sérieux quand il voit une femme. Il t’aime toujours comme un dingue tu sais. Tu ne peux pas lui demander de vivre comme un moine non plus.
- J’aurais préféré qu’il se trouve une gentille femme après Sybille, au lieu de retourner à la vie qu’il avait avant de me connaître.
- Il faut croire qu’il n’y a que vous qui ayez réussi à l’assagir, que veux-tu.



- D’ailleurs, en parlant d’amour, tu n’aurais pas un truc à me dire toi ?
- Je ne vois pas de quoi tu parles …
- Toi et Luna Villareal.
- M’man …



- Tu seras prudent s’il te plaît, vu que vous partagez la même chambre maintenant. Histoire que ton père ne se retrouve pas papy gâteau avant l’heure.
- Oh non m’man, s’te plait. Tu ne vas pas me faire le coup de LA discussion. C’est bon, je suis au courant depuis un bail sur la chose. Charles m’a déjà fait le topo. Il a même voulu que j’essaie de coucher avec une fille en soirée.
- Oui, ça je suis au courant. Si je pouvais lui tirer les oreilles à celui-là parfois … Une chance que tu ne sois pas aussi déluré que lui.
- On va dire que j’ai d’autres défauts.
- Mais non chéri, tu es parfait comme tu es.



- D’ailleurs, tu attends quoi pour dire à ta petite amie que tu es un veilleur ?
- Ce n’est pas encore ma petite amie. Mais oui, je lui dirai.
- Dépêche-toi de le faire avant que les autres ne soient au courant avant elle.
- Qu’est-ce que tu veux dire par là ?
- Vois-ça avec ton père demain matin. Si j’étais toi, demain je prendrais mon courage à deux mains et je dirais la vérité à Luna. Ensuite, tu ne lui laisses même pas le temps de répondre et tu l’embrasses. Elle n’attend que ça tu sais.
- J’attends sa permission. Sans ça, je ne ferai rien.
- Mais ce qu’il ne faut pas entendre ! Elle est trop timide. Elle ne te dira jamais qu’elle meurt d’amour pour toi. A moins que tu ne préfères attendre de voir qui d’autre s’intéresse à toi et qu’elle soit jalouse. Ça pourrait peut-être la rendre entreprenante.
- Ce n’est pas prêt d’arriver ça. Je ne suis pas le genre de mec qui plaît aux filles. De toute façon, je m’en fous.



- Tu verras bien si j’ai raison ou non demain …
- Je viens de te dire que ça ne m’intéresse pas. C’est Luna et personne d’autre.
- Tu es certain d’être veilleur toi ?
- Ah non, tu ne vas pas me servir le stéréotype du démon qui saute sur toutes les jeunes filles qui passent s’il te plaît. Marre à la fin. Je ne suis pas comme ça.



- Et puis regarde-moi. Je suis affreux. Tout le monde me le dit tout le temps. J’ai la peau sur les os, j’ai de l’acné à n’en plus finir et si je souris, on ne voit que mon rail de métal. D’ailleurs, si ce dentiste s’obstine à me le faire porter, je vais finir par faire un meurtre … mais réellement. Qu’il se méfie ce vieux rat !
- Mais qu’est-ce que vous avez Charlie et toi à ne pas voir vos atouts ? Tu aurais bien plus de succès si tu arrêtais de cacher tes beaux yeux et ton beau visage. Et puis, il n’y a pas que le physique qui compte.
- Tu veux qu’on parle de mon intérieur ? Al le bavard à l’humour décalé, qui cache en lui un psychopathe qui adore faire peur aux autres. C’est sûr que c’est vachement vendeur …



- Allez, viens faire un câlin mon grand.
- Tu triches. Toi tu peux me prendre dans les bras, moi pas.
- Tu n’as qu’à faire comme si. Tu vois, ça marche bien !
- Tu prends aussi Charles dans tes bras ?
- Oui, mais uniquement quand il dort. Il est si adorable dans ces moments-là. On dirait un ange. Lilith est bien d’accord avec moi.
- Comment ça ?
- Elle va souvent le regarder dormir.  Mais chut, c’est un secret.
- Tu crois vraiment que je vais garder ça pour moi ? Je ne sais pas tenir ma langue. Je risque de chambrer Lilith dès que je vais la voir. Ou de gaffer et lâcher l’info à Charles. Au choix.
- ça lui ferait peut-être plaisir de le savoir tu sais. Bon, j’y vais.
- Non, tu vas voir p’pa avant.
- Bon, d’accord … Mais s’il est triste après mon départ, c’est toi qui le consoleras, tu l’auras voulu !



- Je suis au bout de ma vie. J’aurais peut-être dû dormir finalement. De toute façon, je suis trop soucieux pour y arriver. Je me demande comment ça va se passer maintenant que le père de Luna est mort. Les visions données par Méphisto n’étaient vraiment pas engageantes du tout. Lizzy … Je te promets de faire de mon mieux pour protéger ton garçon, mais … j’ai comme l’impression qu’il va encore souffrir bien comme il faut avec tout ce que j’ai vu pour lui. Je ne sais pas comment faire pour changer ça. Pff, mon pouvoir il craint. Il ne sert à rien. Finalement, ce n’est pas plus mal qu’Al soit veilleur. Il sera bien plus utile que moi.




- Bonsoir Meinhard.
- Je dois vraiment être fatigué. Je me mets à fantasmer que j’entends Lizzy maintenant.
- C’est peut-être parce que je suis vraiment là.



- J’ai l’impression de vivre un rêve éveillé.
- A ce point-là ?
- Quelle question idiote. Je n’ai jamais arrêté de penser à toi et te parler depuis toutes ces années.
- Je sais.
- Alors pourquoi tu n’as jamais répondu ?



- Tu veux vraiment savoir pourquoi ?
- Hola … Tu fais la même tête que ton fils quand il va se fâcher. Je vais t’entendre me crier dessus dans trois, deux, …



- Oh ça oui, je vais crier et j’ai des raisons de le faire ! De une, tu vas me faire le plaisir d’arrêter de te prendre le chou avec Jacques. Même morte, vous arrivez encore à vous disputer sans cesse à mon sujet. Tu crois que c’est vraiment le moment ?
-Tu sais bien que Jacques et moi, on ne s’est jamais entendu. Il m’a toujours cherché, même lorsque nous étions gamins.
- Ce n’est pas une raison ! Il est temps de vous comporter en adulte. Prenez exemple sur les enfants. Ils se vannent souvent, mais ils sont soudés au moins. Et puis, si je pouvais … mais je t’étranglerais ! Comment tu as pu oser ?
- Oser faire quoi ?
- Fricoter avec cette sangsue d’Agnès Ladentelle !!! S’il n’y avait qu’elle en plus !



- Oh je vois … Tu es jalouse …
- Pas du tout !
- Ah si, je le vois bien.
- Tu ne vas pas commencer comme ton fils, sinon je te promets que je crie encore plus !
- Ah, tu as parlé à Al ?
- Oui, c’est lui qui m’a demandé que je vienne te parler un petit peu. Qu’est-ce qu’il te ressemble. Le mimétisme est assez troublant d’ailleurs.
- Je fais de mon mieux pour bien l’élever.



- Je ne parlais pas de sa personnalité, même si j’avoue qu’il a grandement pris de toi pour ça aussi. Tu vois de quoi je parle …
- Euh non. Le côté tête en l’air ? Ou le côté langue bien pendue ?
- Non, le côté charmeur. Dire qu’il n’en est pas conscient en plus.
- Mon fils charmeur ? Il n’a jamais eu une seule petite copine.
- Oh, ça va bientôt changer. Tu as ta future belle-fille sous ton toit.
- Je le sais ça, merci bien. J’aurais quand même voulu qu’il s’amuse un peu avant de se lancer directement dans une vie de couple pépère à 15 ans … et qu’il prenne un peu d’expérience surtout.
- Oh pour ça, ne t’en fais pas pour lui.
- Je ne veux pas savoir ce qu’il faisait en soirée avec Charles. Epargne-moi s’il te plaît.
- Ah non, je peux t’assurer qu’il est resté très sage. Monsieur a accès à la plupart de ses vies antérieures. Alors niveau expérience, je peux te dire qu’il a de la bouteille.



- Enfin, je parlais surtout de votre ressemblance physique. Sybille et toi avez fait un très beau garçon. Quand je le vois, je te vois toi lorsque …
- J’étais encore jeune et beau ? Vas-y, tu peux le dire que je suis un vieux croulant. Je le sais bien.



- Tu es toujours aussi beau chéri. Et si j’avais été encore de ce monde, je n’aurais jamais cessé de te le dire jour après jour.
- J’aimerais tellement pouvoir te toucher Lizzy … Tu me manques tellement …
- Je sais. Tu me manques aussi beaucoup. Je t’attends tu sais.
- Arrête de me toucher, sinon c’est maintenant que je vais te rejoindre. C’est une torture de te voir et de ne pas pouvoir t’embrasser et te prendre dans mes bras.



- Je n’aurais pas dû venir. Je le savais bien. Promets-moi de ne pas te lamenter. Ton fils a besoin de toi.
- Je sais.
- Avant que je ne parte, promets-moi aussi que tu vas faire la paix avec Jacques.
- (soupire) Je suis vraiment obligé ?
- Méni, s’il te plaît !
- Bon d’accord … Je vais essayer.
- Tu lui diras d’ailleurs que … que je suis désolée pour tout. Et que j’ai apprécié la manière dont il m’a traitée en tant qu’épouse. C’est un homme bien tu sais.
- Je sais, ne t’inquiète pas.
- ça lui fera plaisir d’avoir un message de ma part.
- Je pense aussi.
- Bon, je vais y aller. Prends bien soin de mes fils s’il te plaît. Ils vont avoir besoin de toi.




- Comment ça « mes deux fils » ? Aymeric est mort avec toi, je te le rappelle. A moins que … il s’est réincarné ?
- Oh non, je savais bien que j’allais finir par gaffer.
- Mais … Déjà ? Mais où ça ? Je le connais ?
- Si je te dis que tu le vois tous les jours depuis 15 ans ?



- Aymeric et Albrecht sont la même âme ? Mais tu aurais pu venir me le dire quand même ! Tu sais que je culpabilise depuis 20 ans parce que je n’ai même pas été fichu de vous sauver malgré la vision que j’avais reçue ?
- On ne pouvait pas être sauvé. Ça devait se passer comme ça. Alie et moi, on l’a choisi.
- Et tu crois que ça me rassure peut-être ? Je dois m’attendre à quoi maintenant avec Al du coup ? Parce que si vous faites partie du groupe d’âmes qui se sacrifie en permanence, je crois que j’ai du souci à me faire pour mon fils.
- Il ne risque rien. Notre … enfin ton fils est solide. Il a de belles années devant lui.
- Pourquoi il est venu s’incarner chez les Faust celui-là ? C’était un Beaumont !
- A vrai dire …
- Quoi, ne me dit pas … Oh non ! Toi et moi, on va avoir une sacrée engueulade lorsque j’aurai rejoint l’autre côté, je te le garantis. Aymeric était mon fils ?



- Je savais que tu allais t’énerver.
- Il y a de quoi !
- Ne crie pas s’il te plaît.
- Si tu étais restée en vie, tu comptais me le dire quand ? Lorsqu’on aurait vu qu’il avait les yeux des Faust ? Parce qu’aucun de notre famille n’y a coupé jusqu’ici, garçon ou fille …



- Je voulais te le dire. Mais tu étais tellement occupé avec la mort de ton grand-père. Et puis … Jacques le savait.
- De mieux en mieux. Je comprends pourquoi il ne sait toujours pas m’encadrer.
- Je lui avais dit que je voulais divorcer et vivre avec toi, du moins si tu l’avais voulu. Il avait accepté.
- Ah … Je ne sais plus quoi dire du coup.
- Jacques a toujours été correct avec moi tu sais. Il voulait un enfant plus que tout et je le lui ai donné. Je lui devais bien ça alors que nous deux, on continuait à se voir en cachette.
- Oui ... Je ne t’en ai jamais voulu tu sais … Al sait qui il a été ?
- Oui.
- Ah …
- Ne le dispute pas s’il te plaît. Il vit des moments déjà assez difficiles comme ça.



- Ça me fait beaucoup à digérer d’un coup.
- Je suis désolée. Je savais bien que je n’aurais pas dû venir. Je ne sais pas tenir ma langue moi non plus. Alie a de qui tenir on dirait.
- (rire) oui. Et Charles aussi d’ailleurs.
- Prend bien soin de Charlie et de Alie s’il te plaît. Tu me le promets ?
- Je ferai de mon mieux.



- On se reverra de l’autre côté. Je t’en fais la promesse. Je serai là pour t’accueillir.
- Lizzy …



- Non Lizzy, reste, je t’en prie.
- Je ne peux pas, tu le sais bien.
- Je …
- Non, ne dis rien … A bientôt Méni. Je t’aime.



- Je t’aime Lizzy. C’était toi la femme de ma vie et il n’y aura jamais que toi. J’aimerais tellement te rejoindre si tu savais … Je promets de veiller sur nos fils. Même si je dois mourir pour ça.